Salaires 2023 : un appel au bon sens et à la décence commune
Dernière mise à jour : 9 avr.
publié le 2 Septembre 2022
« C’è limite ! ». Un vieil ami napolitain utilisait cette expression quand il sentait l’indignation monter. C’est l’expression qui me semble la plus appropriée aux temps que nous vivons.

Résumons. Hausse du PIB prévue à 2,5% pour 2022 et encore 1,9% en 2023, croissance des exportations de 11,5%, au premier semestre, croissance des entrées de commande de 12% dans le secteur principal de la construction, chômage à 2%, niveau le plus bas depuis 20 ans, au point qu’on parle presque partout de manque de main d’œuvre, dividendes et rachats d’actions à un niveau historiquement élevés. Donc l’économie suisse tourne à plein régime. Et du côté des salariés et des ménages ? Hausse des prix supérieure à 3%, hausse des primes-maladie prévue entre 5 et 10%, hausse massive des prix de l’électricité et du chauffage, hausse des taux hypothécaires. Voici les faits.
Avec de tels données, dans pays où les organisations patronales se disent soucieuses de concorde nationale et de paix sociale, on devrait s’attendre à ce qu’au moins la compensation du renchérissement partout ne fasse même pas débat. Car si on n’adapte pas les salaires à la réalité de la hausse du coût de la vie avec de telles données, quand le fera-t-on ?
La crise Covid peut-elle être un argument contre cette demande de bon sens ? Bien sûr que non. Dans la restauration et l’hôtellerie ou dans la coiffure par exemple, l’adaptation des salaires à l’indice de septembre assortie d’une hausse des salaires réels sont déjà actés. Or ce sont des secteurs particulièrement touchés par la crise Covid. Si c’est possible chez eux, c’est possible partout.
On a entendu des organisations patronales dire que dans l’industrie, il fallait rester prudent et critiquer nos demandes salariales. Bien entendu. Rien contre la prudence. Mais à notre tour d’appeler à la prudence. Rechigner à indexer les salaries au coût de la vie, demander encore plus de travail la nuit et le dimanche pour faire subir aux salariés le poids de la crise énergétique et s’apprêter par-dessus le marché à demander des aides à l’Etat ou un retour dans le giron du monopole et des prix régulés pour compenser la hausse des coûts de l’énergie, ça commence à faire beaucoup. Pour un tel menu, il faut quand même susciter un peu de compréhension ailleurs que dans les salons feutrés des conseils d’administration.
Nous sommes toujours prêts à soutenir l’emploi. Nous l’avons assez montré pendant la crise Covid. Mais nous demandons un minimum d’équilibre, on pourrait même parler d’un minimum de décence commune. Ceux qui ont prôné la libéralisation du marché électrique et qui ont opté pour elle devraient par exemple se souvenir, avant de revenir sous les jupons protecteurs de l’Etat, que s’il existe encore un secteur de l’électricité avec des prix régulés où la hausse n’est qu’à un ou deux chiffres et pas à trois ou quatre comme dans le marché libre, c’est grâce aux syndicats. Le 22 septembre prochain nous fêterons le 20ème anniversaire du refus de la loi de libéralisation complète du marché électrique. Il est possible que nous envoyions une invitation à venir découper le gâteau avec nous aux organisations patronales. Mais surtout, toute modification des règles doit passer par l’enterrement définitif de toute velléité de libéraliser ce secteur.
Au contraire, il faut rétablir d’urgence des prix de production garantis et régulés sur le très long terme pour tout le secteur si on veut enfin que les investissements massifs nécessaires puissent commencer. Cela s’appelle rétablir des monopoles publics ou au moins régulés. On peut chercher d’autres appellations si cela fait mal aux oreilles. Mais c’est comme ça.
Enfin, nous serons d’accord évidemment pour que l’Etat fasse sa part dans la compensation de la crise exceptionnelle du pouvoir d’achat qui se prépare. On devait d’ailleurs aussi parler d’un risque d’appauvrissement sans précédent. Cela commence par un soutien des organisations patronales au compromis trouvé au Conseil national sur le renforcement des réductions de primes.
Et un soutien aux propositions urgentes consensuelles faites par plusieurs partis pour la prochaine session urgente sur le thème de l’indexation de l’AVS et d’un geste urgent sur la réduction des primes. Mais comme nous craignons que nos appels au bon sens, à l’équilibre et à la décence commune ne suffisent pas, nous appelons le Peuple suisse à dire à son tour très fort « c’è limite ! », le 25 septembre, par un trois fois non assourdissant à la hausse de la TVA, à la baisse des rentes des femmes et des couples mariés et à la suppression de l’impôt anticipé pour les riches détenteurs d’obligations.